5 septembre 2015

UN MUSULMAN DE PLUS?






                  Journal Le Soleil, caricature d'André-Philippe Côté, 4 septembre 2015

 Leur maison brûle. Ils ont tout perdu.  Ils frappent à ma porte. Ils ont la peau plus foncée, ils sont musulmans, je crois. Pas de questions. Je leur ouvre ma maison et mon cœur, car ils  sont ma chair et mon sang.


J’ai connu dans d’autres cultures des gens pauvres qui, dans leur humble chaumière, ont toujours fait une place à qui était plus pauvre qu’eux : un neveu, une filleule, le petit frère de celle-ci et sa sœur, l’oncle, la cousine, ou quelqu’un d’autre qui venait de loin.


Nous  qui sommes de pays qui se débrouillent assez bien, et qui avons travaillé beaucoup pour cela, nous ne manquons pas de sagesse et de prudence, mais souvent nous trouvons  mille raisons pour n’ouvrir nos portes qu’à moitié à une foule de réfugiés désespérés sous prétexte qu’ils n’ont pas leurs documents en ordre (car un bon réfugié doit transporter ses archives avec lui, c’est évident !!!),  ou parce qu’ils ne nous laissent pas le temps de les examiner à loisir, de les évaluer, les soupeser ou de les faire poireauter comme ça nous chante. 


Pourtant d’autres,  plus sages et plus savants que nous, nous prouvent, par A+B que nous sommes les privilégiés sinon carrément  les complices  d’un gigantesque système mondial d’arnaque, de fraude, de mensonge, d’exploitation et de vol international.  On ne les croit pas et on ne veut pas les entendre, car notre sécurité, notre bien-être et notre paix dépendent si étroitement de ce système injuste qu’on préfère  lui trouver des vertus plutôt que de le regarder en face. Notre  façon de réagir n’est pas étonnante. Elle est nourrie constamment par ce même  système tordu qui a été conçu, est réajusté au besoin et mis de l’avant jusque dans ses plus petits détails  par des corporations et des groupes de personnages hautement sophistiqués qui savent tout, possèdent presque tout et dominent partout. Ils sont  nos maîtres, et nous, dupes ou aveugles, nous en sommes les fidèles serviteurs. Notre vie repose entre leurs mains.  


Nos maîtres nous ont mis dans le cerveau que  le but de la vie, c’est le bien-être personnel, et non pas la  grande joie qu’il peut y avoir  à courir  des risques pour que ce bien-être s’étende au monde entier. La justice sociale et la fraternité sont d’excellentes choses, nous enseignent-ils, mais il y a aussi nos investisseurs, nos emplois, notre patrimoine, notre langue, notre culture, notre identité, notre sécurité, notre tranquillité et notre prospérité à protéger… en un mot, notre bien-être.  Et le bien-être des autres?



Comment en venir à  croire que la justice sociale et la fraternité mettraient en péril la richesse des identités culturelles, nationales ou individuelles?   Et qui a décidé que les chrétiens et  les musulmans, les sécularisés et ceux qui ne le sont pas,  sont condamnés  à ne pas pouvoir vivre ensemble et à ne jamais devenir des amis? Est-ce que, par hasard, la justice, l’affection ou l’amour entre individus, peuples et cultures signifieraient l’anéantissement de l’être propre et de la nature originale de chacun?  La justice et l’amour appauvriraient?  


Je sais qu’on n’a pas l’habitude de tenir compte de l’amour dans nos évaluations et dans nos plans. L’amour, c’est tellement privé, tellement sentimental, tellement rose bonbon... Mais non, l’amour est la trame profonde du grand tissu de l’humanité. Enlevons cette trame,  et c’est l’enfer. Mais nous ne sommes pas encore assez évolués pour nous en convaincre. C’est pourquoi je parle simplement de justice; et si le mot fraternité sonne trop curé, disons que je me contenterais  d’un minimum de solidarité à ras de terre comme il en existe parfois même chez les animaux.    


Une chose est sûre et certaine : nous avons les moyens qu’il faut pour en finir avec la faim et la pauvreté dans le monde  et pour mettre un terme au  saccage de la planète ainsi qu’aux conflits les plus aberrants qui déchirent l’humanité. Nul besoin de chercher de bonnes raisons pour continuer à toujours remettre  à plus tard…. Ce que l’on voit tous les jours  à la télé devrait suffire à nous décider à ouvrir nos portes sans hésiter, sinon, tôt ou tard, nous devrons probablement le payer très cher.


Je n’oublie pas les personnes du Québec, du Canada et d’ailleurs qui, par-dessus de multiples embûches, se dévouent corps et âme à accueillir les réfugié/es des quatre coins du monde et à leur redonner vie entre nos murs. Ces « passeurs et passeuses » de la justice et de la fraternité représentent ce que nous avons de meilleur.  Ils sont parmi les premiers artisans d’une Humanité nouvelle qui, osons l’espérer, finira bien  par arriver un de ces  quatre matins.


Pour résumer, je fais écho au cri du jeune Syrien qui va à pied sur la route entre Budapest et Vienne. Avec lui, marchant d'un pas décidé sur la même route,  ils sont des centaines ou des milliers de réfugiés : vieillards, femmes, handicapés, enfants. Ils viennent de l’enfer, ils ont vécu l'horreur,  ils ont traversé mer et monde pour arriver jusque là et ils continuent toujours à pied leur marche vers la vie. Le jeune homme, blessé dans tout son être par un policier qui le bouscule, se protège de  son agresseur en criant de toutes ses tripes : « Nous ne sommes pas des animaux, nous sommes des humains! »


P.S. : Pour qui ne l’aurait pas encore vu, le documentaire,  FIN DE LA PAUVRETÉ?,  permet de situer le drame des réfugiés dans un contexte global (in the whole picture). Suivre ce lien :




                                                        Eloy Roy

  





 


Aucun commentaire:

Publier un commentaire

  OPTION JOIE! Le monde est à l’envers. Notre planète s’en va chez le diable. Comme lave de volcan des fleuves de sang coulent sur les f...