3 avril 2012

MARCHER SUR LES EAUX





Le langage de l’Évangile n’est pas le nôtre. On se trompe toujours en le lisant comme si les gens d’il y a deux mille ans pensaient, s’exprimaient ou écrivaient comme nous. Leur manière à eux était probablement celle des conteurs populaires ou du théâtre de faubourg.

À l'époque, peu de gens savaient lire. Ce qui est rapporté dans les évangiles a d’abord été raconté, joué et peut-être mimé dans des petits groupes et devant des foules diverses, suscitant la ferveur et l’admiration, et sûrement aussi la controverse et le débat. C’était un peu la télévision du temps, le discours ou le spectacle improvisé au fond de la ruelle, à l’ombre d’un arbre ou sur la galerie de l’auberge.

Jésus était pour plusieurs l’imbattable héros de l’heure. Ses nombreux admirateurs ne se lassaient pas de raconter son histoire. Chacun y mettait un peu les couleurs qu’il voulait, et sûrement en rajoutait au passage pour le plus grand plaisir de l’auditoire.

L’important c’était de faire connaître cet homme qui avait changé leur vie. Un homme qui avait tout simplement mis fin aux superstitions, aux peurs, au fossé sans fond qui tenait les gens ordinaires très loin de tout ce qu’on nommait Dieu, loin de sa miséricorde, loin de son cœur.

Un homme qui avait pris plaisir à abolir un tas de tabous, de préjugés ancrés dans le sacré, à jeter par terre les épaisses murailles qui séparaient les genres, les races, les classes, les nations, les peuples, les religions.

Un homme qui avait pris plaisir à démasquer l’idolâtrie des oppresseurs de toutes sortes, et l’hypocrisie de ceux qui   passaient pour des saints alors que leurs exigences religieuses n’étaient que des prétextes pour abuser des faibles.

Un homme qui savait que cela lui coûterait la vie et qui n’a pas reculé devant la mort. Un homme hors mesure, un être étonnant, un être merveilleux.

Un homme qui inspirait le courage, l’audace, la dignité. Qui redonnait confiance en l’humanité, redonnait l’espoir et le goût de vivre. Qui laissait voir que les choses pouvaient être changées et non plus subies. Que rien n’était immuable, rien n’était classé, rien n’était définitif, fixé d’avance et pour toujours.

Pour décrire cet homme, il n’y avait jamais d’expression ni d’images trop fortes. Rien de trop beau ni de trop étonnant.

Donc, inutile de nous casser la tête pour savoir comment Jésus peut être né d’une vierge ou être ressuscité d'entre les morts, ni pour savoir s’il a vraiment marché sur les eaux, multiplié les pains, changé l’eau en vin, rendu la vue à un aveugle-né, ni  pour savoir s’il est vraiment vivant dans le pain et le vin du partage eucharistique ou qu’il a été exalté à la droite de Dieu. En gros, ces expressions veulent dire la même chose : « Tout ce que Jésus a été dépasse la croix, le tombeau, la mort. La mort n’a pas pu venir à bout de Jésus. Il est vivant, actuel et  puissant.»

«La preuve qu’il n’est pas parti et qu’il agit toujours, c’est que nous, nous sommes là. Avec lui nous avons dit non à la mort. La mort n’est plus la maîtresse de nos vies. Notre unique Maître, c’est lui, le Vivant. Parce que nous avons repris son projet afin de le continuer, on nous tuera  peut-être comme lui-même a été tué. Mais nous de reviendrons pas à nos tombeaux, à nos peurs, à nos injustices,  à nos esclavages. Si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons!» (2 Timothée 2, 11-12).


À la suite de ces premiers témoins de Jésus, les chrétiens de tous les âges, dont la foi plonge de profondes racines dans les mêmes eaux, ont pu et peuvent encore proclamer aujourd’hui que c’est dans l’appui qu’ils s’apportent  les uns aux autres, dans leur solidarité, dans leur amour fraternel et leur engagement en groupe qu’ils puisent une liberté, une force  et un bonheur qu’ils n’auraient pas connus autrement.

Ils peuvent à leur tour raconter :

«C’est ici, dans ce que nous vivons entre nous, que nous palpons que Jésus a renversé le mur de la mort, qu’il est vivant, que nous l’entendons nous parler, et que nous sentons sa propre respiration, son souffle».

«C’est lui qui encore, à travers nous, continue d’éclairer, de pardonner, de rassurer, de guérir, de libérer, de ressusciter ce qui est mort».

«À travers lui, nous avons  vraiment vu Dieu, car personne ne peut ressembler davantage à Dieu que cet homme. À travers lui, nous avons connu aussi toute la grandeur et la profondeur de l’être humain, car personne n’a été plus humain que lui. Et puis nous avons enfin compris qu’avec Dieu plus rien n’est impossible. »

«C’est pourquoi nous croyons et affirmons qu’un monde autre est possible. Oui, nous croyons que de notre impuissance même, de notre rien, nous pouvons faire des merveilles. Nous croyons que nos cœurs de pierre sont capables de se fondre en cœurs de chair et que nous pouvons recréer ce monde sans répandre la mort.»

«Nous croyons en la puissance de l’amour. Nous savons que l’amour a des capacités d’audace, de créativité, d’intelligence, de science, de liberté, de dépassement et d’humanité illimitées».

«De nos profondeurs intérieures jaillissent des forces inconnues et de nos rochers des fleuves de vie. Nos terres brûlées, empoisonnées, déchirées, rendues mortes par nos armes, nos haines, notre insatiable cupidité, notre inconscience, nos insouciances, nous les changerons en vergers et pâturages verdoyants. Nous purifierons l’air de notre ciel et laverons l’eau des mers et nous restaurerons la vie sur toute la surface de notre globe». 

«Non, rien n’est irréversible ! Tout peut changer. Tout peut être transformé. Tout peut être illuminé et recréé. Nous aurons encore longtemps à ramer à contre-courant, mais c’est la vie qui aura le dernier mot et toute l’humanité finira par ‘marcher sur les eaux!’»

                                                                                 Eloy Roy



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