1 mars 2012

EN VÉRITÉ


                             



Il y a des choses qui ne se décrivent pas, 
qui ne se disent pas, 
qui ne se comprennent pas,
                                              parce qu’elles sont trop grandes.


On ne connaît à peine que la surface des choses…

Car c’est seulement à la surface des choses qu’on se débat, qu’on cherche, souffre et meurt. C’est là, dans la houle soulevée par les vents de la peur et de la haine, que l’humain navigue sur son frêle esquif de glaise.

Ici et là l’anime un souffle de sagesse, de grandeur, de bonheur et de beauté. Mais le plus souvent il vogue vers nulle part,  échoue sur une île morte, se brise sur le flanc d’un rocher  ou se noie dans la grande nuit.  De là naissent  les héros, les étoiles, les dieux et les monstres, qui peuplent notre imaginaire, hantent nos mémoires et visitent nos rêves.

Mais ce n’est pas là que l’humain se trouve « en vérité », ni là qu’il ne pourra jamais rencontrer son Dieu. Car Dieu et l’humain, dans leur réalité vraie, ne sont pas des « objets » que l’on puisse toucher, voir, entendre, analyser, décortiquer, comprendre : ils ne peuvent être trouvés qu’à un tout autre niveau.

Ne demande donc pas à ton intelligence de connaître une réalité qui la dépasse. Ce serait comme demander à l’arbre de marcher, ou à un canard de s’extasier devant un Picasso ou une fugue de Bach.

Ce Dieu dont  on a déjà entendu parler et dont on raconte qu’il crée,  aime, libère, qui se fait l’un de nous dans la chair et dont on dit  qu’il est à la fois Un et Trois, ou tout simplement Amour, ce Dieu-là ne se comprend pas.   

Ni se comprend l’humain qui serait censé être l’image de ce Dieu.

Quand on croit le comprendre, on le rapetisse, on le déforme, et souvent le caricature.

Car Dieu dans sa grandeur et l’humain dans sa profondeur ne peuvent ni s’exprimer ni se dire. Ils ne peuvent se saisir. La raison et l’imagination peuvent  tout au plus  en découvrir des indices, des pistes, des signes, mais en aucun cas ne peuvent les capter « en vérité ». 

Comment décrire les couleurs à un aveugle, la musique à un sourd?

L’indicible, l’incroyable, l’inouï ne peuvent se « saisir » qu’à une profondeur de notre être si éloignée de la surface des choses que notre esprit ne soupçonne même pas qu’elle puisse exister.

Pour l’atteindre, il faut « se défoncer ».

Car on dirait qu’il y a comme un plancher qui nous sépare de la partie la plus importante de nous-mêmes, une sorte de séparation étanche entre le « sous-sol » de notre être  et le « rez-de-chaussée » que nous habitons.

Pour nous connaître nous-mêmes « en vérité », et connaître quelque chose de Dieu,  il faut d’abord croire en l’existence de… ce « sous-sol » mystérieux. Admettre la possibilité de cette dimension enfouie au fond de nous-mêmes, l’accueillir dans l’obscurité, l’intégrer dans notre esprit et nous y ouvrir, sans plus.

Impossible de violer cet espace, ce sanctuaire, cet Éden réputé  gardé par des Kéroubs guerriers qui en ferment l’entrée en faisant des moulinets avec des épées de feu. Impossible d’y entrer à partir de notre propre vouloir, car il est scellé, sacré, AUTRE.

Pour y pénétrer on ne peut rien faire d’autre que d’être attentif, se tenir « éveillé », prêt… (Luc  12, 35).

Seuls les enfants et les pauvres, dit-on, y auraient accès par eux-mêmes, car eux ils n’ont pas de maisons aux portes verrouillées ni de toits à toute épreuve. Ils n’ont rien qui les retienne. Ils sont toujours prêts à partir pour les pays où les attendent le pain et quelque bonheur...

Le rideau se tire, le voile se déchire, la pierre se roule, la porte s’ouvre d’elle-même au moment où nous arrivons au bout de nous-mêmes. Quand tout est consommé.  Ce qui peut se produire à n’importe quel instant de la vie et non seulement à la mort.

Alors apparaît dans cette ouverture celui ou celle  que l’on est  « en vérité », porté dans la lumière de « Celui Qui Est » et qu’on appelle Dieu.

Notre être vrai se lève alors tout doucement comme une aube, une aurore, un soleil couvert d’une légère brume d’or qui prend  l’éternité à se dissiper.

                                              Eloy Roy 

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