5 février 2012

JÉSUS, LES COCHONS ET l'ÉCONOMIE


MARC 5, 1-20

Qui est le plus cochon: le cochon ou bien celui qui lui donne à manger?

Gérasa est un bled ultra païen qui perche sur un cap au-dessus du lac de Galilée. Une subdivision de la Légion romaine en a fait une base militaire et 2000 soldats armés jusqu’aux dents y dressent leur campement. Leur mission est de contrôler avec une poigne de fer toute cette zone que l’empire de Rome colonise et exploite allègrement.

Aux yeux des Juifs bien nés, qui vivent sur l’autre rive du lac, ces Romains sont de méchantes créatures envoyées par le diable pour contaminer leur terre bénie et mener leur peuple à la perdition. Car cette soldatesque venue de l’étranger non seulement tue à tour de bras et se livre à tous les vices, mais adore des dieux dégénérés, oblige les gens à adorer la statue de son empereur et, pour comble, mange du cochon!

Quels sont donc les gens qui approvisionnent ces diables de Romains en cochon, sinon les gros propriétaires de Gérasa? Pour eux, les Romains sont de la manne tombée du ciel. Ils investissent donc frénétiquement dans l’élevage du cochon et les vendent ensuite à haut prix aux riches occupants.

Cocasse, non? Ces « cochons » de Romains, qui empoisonnent la vie des Gérasiens, se font engraisser par… d’autres Gérasiens, qui se graissent à leur tour grâce aux sous des Romains. Et quoi? Les affaires sont les affaires!

Le pays de Jésus est un pays de Juifs allergiques au cochon qui se trouve situé, comme on a dit, de l’autre côté du lac, juste en face de Gérasa. Jamais un Juif qui se respecte ne laisserait sa barque aborder cette Gérasa qui pue le diable et le cochon à des kilomètres à la ronde.

Mais, un bon jour, Jésus, sans passeport ni rien, décide de franchir cette frontière interdite. Il appelle ses compagnons d’aventure, tous aussi juifs que lui, les embarque sur leur bateau et met le cap droit sur Gérasa.

Pas besoin d’insister, la traversée tourne rapidement au cauchemar. Les gars sont morts de peur. Peut-être plus en raison de leurs préjugés et de leurs superstitions que par le terrible orage qui se déclenche tout d’un coup au beau milieu du lac. Jésus est obligé de lever la voix pour que ses amis se ressaisissent et finissent par se calmer. Puis, c’est l’arrivée à Gérasa. Tous sont sains et saufs.

Dès que Jésus met le pied hors du bateau, une chose sombre surgit de derrière les tombes du cimetière local et court à toutes jambes vers lui. Les gens de la place expliquent qu’il s’agit d’un fou qui vit avec les morts; à toute heure du jour ou de la nuit, il hurle comme une bête en se tailladant les chairs avec des pierres pointues (comme ont coutume de faire les voyants païens dans leurs délires mystiques). Chaque fois qu'on essaie de l’attacher avec des chaînes et des fers, il fait tout voler en éclats. Personne ne peut le dominer. C’est un monstre.

Un monstre qui, en arrivant près de Jésus, se jette sur lui comme pour le tuer. Mais Jésus se cabre. Usant de la même voix qui a eu raison de la tempête sur le lac, il fait tomber le malheureux à ses pieds. Un son rauque, à la fois suppliant et sarcastique, sort de la gorge de l’homme. En pleurnichant il implore Jésus de ne pas le torturer.

- Si tu veux que je sorte du corps de cet homme, je t’en prie, envoie-moi dans le corps des cochons qui sont là sur la colline...

- Quel est ton nom? lui demande un Jésus tout à fait décidé à aller au fond des choses.

- Mon nom est... « Légion »…

Le chat vient de sortir du sac! Cet homme n’est donc pas un individu ordinaire. Il incarne dans sa personne le peuple de Gérasa, et bien d'autres peuples qui, comme le propre peuple de Jésus, sont dominés, pour ne pas dire « possédés » par la Légion romaine…

Pour s’ « accommoder » à l’empire, ces peuples perdent leur identité, leur liberté, leur dignité et même leur raison de vivre. Ils deviennent comme des déchets... Ils s’autodétruisent. Ils se couvrent le corps et l’âme de plaies mortelles, comme ce pauvre type avec ses pierres pointues et son repaire au milieu des tombeaux.

Alors Jésus ordonne à l'esprit "Légion" de sortir du corps du pauvre diable et l’envoie promener dans le troupeau de cochons en train de paître sur l’escarpement au-dessus du lac. Le choc est brutal. Malgré leur très mauvaise réputation, les cochons, moins accommodants que certains Juifs, se montrent incapables d’avaler l’esprit « Légion » et préfèrent se suicider en se jetant dans le lac du haut de leur falaise. 2000 cochons sont morts noyés ce jour-là. Autant de cochons noyés que de soldats formant la subdivision romaine de Gérasa!

C’est alors que notre malheureux bonhomme retrouve ses esprits. On le lave, on l’habille proprement, il est devenu un homme neuf. Mais la fête tourne tout de suite au vinaigre. Les propriétaires de cochons sont hors d’eux-mêmes et chassent Jésus de leur pays.

Qui veut comprendre comprenne!

Par cette histoire on voit bien que Jésus n'aime pas les légions romaines, ni ceux qui collaborent avec elles. Il n'est pas ami des bottes militaires, ni ami des dictatures. Il n'est pas ami des puissances étrangères qui, sous le masque de l’amour à la démocratie, de l’aide humanitaire ou du développement ou sous celui de la lutte contre le terrorisme ou la drogue se faufilent dans d'autres pays pour les contrôler et les dominer. Il n’est pas ami non plus de ceux qui élèvent des cochons pour engraisser d’autres cochons…

Mais quel manque de gentillesse de sa part! Qu’il ait sorti un misérable d’un abîme sans fonds, tout le monde s’en réjouit, mais à quel prix, grand Dieu! Mettons-nous à la place des éleveurs de ces 2000 porcs dont Jésus a provoqué la mort, est-ce qu’ils n’ont pas raison d’être furieux contre lui? Est-ce que, par hasard, un être humain vaut 2000 porcs?

- Oui, certainement! répond Jésus.

Même s'il s’agit d'un marginal, d’un fou, d’un dépravé, d'un monstre qui sème la terreur? Même s'il est plein de diables, même s'il est aussi méchant qu’une légion romaine qui vole, viole, piétine, humilie et opprime tout un peuple? Est-il juste de sacrifier l'économie de tout un village pour réhabiliter un monstre pareil?

- Non seulement il est juste de sacrifier l'économie de tout un village, mais aussi celle de tout un pays, dit Jésus. Même celle du monde entier!

L'économie qui jusqu'à maintenant a fait la pluie et le beau temps dans le monde est plus destructrice que 2 milliards de bombes égales à celles dont on s’est servi, il y a 50 ans, pour anéantir Hiroshima et Nagasaki.

Cette économie a été construite sur le dos de 99% de l'humanité, au prix de la dignité, de la liberté et des droits de personnes et de nations entières, en les bafouant, en se moquant d’elles, en les trompant, en les corrompant, en les exploitant à la corde, et en les massacrant.

Cette économie est responsable des blessures, des frustrations, de la haine, de la violence et de la décadence de ses victimes. Des monstres comme ce pauvre diable de Gérasa sont créés tous les jours par cette économie qui les envoie par milliers vivre parmi les morts et les cauchemars des immenses dépotoirs humains qui ne cessent de pousser partout sur la planète.

Elle est maudite cette économie qui assassine littéralement notre belle planète bleue et qui sacrifie des personnes et des peuples entiers aux cochons et non les cochons aux personnes. C'est pourquoi, un jour, tout va sauter. Ce ne sont pas seulement 2000 porcs qui tomberont à l'eau, ou deux tours de New York qui voleront en fumée, mais ce sera toute l'économie mondiale qui s’effondrera. C’est d’ailleurs déjà commencé.

Obama lui-même, qui est un bon garçon, a pitié des cochons de Wall Street et leur donne à manger. Mais il se peut qu’un jour ces mêmes cochons se retournent contre lui et le mordent. Car il ne faut pas donner à manger aux cochons, ni leur jeter de perles (Mt 7,6).

Encore moins leur donner des milliards, ajouterait Jésus…

Eloy Roy

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